Edito – Notre-Dame-des-Landes : la démocratie a bien été respectée

Contrairement à ce qu’on a pu entendre, l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes n’est pas un déni de démocratie. Il serait imprécis de l’imputer à une une poignée de ZADistes tournant le dos à un référendum local. C’était au contraire la seule vraie décision démocratique.

Rédigé par Stephen Boucher, le 22 Jan 2018, à 17 h 30 min
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Au premier abord, la décision du gouvernement français de renoncer à la construction d’un nouvel aéroport sur les terres de la commune de Notre-Dame-des-Landes ressemble à un déni des règles démocratiques. C’est la critique dans laquelle s’est engouffrée une partie de la classe politique. C’est aussi le prisme par lequel les médias ont commenté le choix du gouvernement, montrant des images des seuls ZADistes se réjouissant au lendemain de l’annonce.

On a en effet essentiellement retenu trois éléments contestables de cette décision : les ZADistes sont les opposants les plus visibles au projet. Ce serait donc à eux qu’on aurait « cédé ». Un référendum local avait donné une (courte) majorité aux opposants. Ce serait donc un déni de la parole citoyenne. Des arrêtés de justice ont tous souligné la légalité des actes pris dans le sens de la construction. Ce serait donc un déni de justice. Ces trois points sont contestables… point par point.

Notre-Dame-des-Landes : le gouvernement a bien fait de lever le nez de la piste

Au-delà du fait qu’aucune décision n’aurait satisfait l’ensemble des acteurs, sur un sujet qui divise de longue date, on notera sur le premier point tout d’abord une évidence : les ZADistes ne parlaient pas qu’en leur nom propre, mais symbolisaient la virulence de l’opposition d’une grande partie de l’opinion. L’opposition d’au moins 45 % des citoyens de Loire-Atlantique, et probablement d’une majorité des citoyens français. À noter d’ailleurs que les premières réactions vont dans ce sens, puisque 78 % des citoyens français approuveraient la décision du gouvernement selon une première estimation.

notre dame des landes démocratie

L’opposition à Notre-Dame-des-Landes, ce ne sont pas que les personnes présentes sur place

Les grands projets d’infrastructure, resitués dans le contexte du défi climatique et des choix de société, affectent certes au premier chef les populations locales par leurs impacts (positifs et négatifs) directs, mais concernent l’ensemble de la population française par leurs implications. Le débat était d’ailleurs loin d’être limité à la Loire-Atlantique, en témoigne l’importance de l’écho qui lui a été accordé. On avait, par commodité, limité le référendum aux habitants de Loire-Atlantique, mais il ne s’agissait tout de même pas de débattre de la construction du rond-point à la sortie de ladite commune !

Le gouvernement a donc fait plus qu’écouter les plus mobilisés des opposants, il a entendu que l’ère des grands projets symbolisant une forme de fuite en avant, du toujours plus d’artificialisation des terres, de la mobilité à bas coût et à tout prix, de la destruction des zones d’importance écologique était révolue pour une grande partie de la population. Ceux qui se raccrochent encore à une vision productiviste inspirée de l’époque où le projet a été conçu, à la sortie des 30 Glorieuses, où les autoroutes françaises n’étaient pas encore construites, ne le voient pas, ne veulent pas le comprendre, mais une grande partie de la population estime que notre taux d’équipement en infrastructures atteint ses limites et l’avenir montrera qu’il sera de plus en plus difficile de saccager l’environnement au nom de cette vision-là de la prospérité.

La conformité légale était respectée, mais l’intérêt général ?

En anglais, on dit parfois « il faut faire les bonnes choses, pas juste les choses bien » (« do the right things rather than just do things right »). Dans ce cas-ci, la conformité avec le cadre légal ne signifie pas qu’on aurait oeuvré dans le sens de l’intérêt général en persistant dans la construction d’un aéroport. Certains objecteront qu’avec un tel argument, les autorités publiques pourraient justifier n’importe quel revirement de politique. Sauf si l’on admet honnêtement de nouveau qu’il y avait ici des enjeux qui dépassaient des enjeux locaux de mobilité et économiques. Se conformer « pour le plaisir » aux décisions de justice, ça aurait été faire les choses « bien », mais pas « les bonnes choses ».

Lire aussi : Les grands projets remis en question par ‘L’intérêt général et moi’

Car, et c’est l’autre aspect essentiel de cet enjeu de démocratie, qu’en est-il des générations futures ? Celles-ci ne sont pas représentées dans le débat. Les générations actives en 2050 et 2100 n’ont certes pas participé au référendum de Loire-Atlantique. Mais qu’imaginons-nous penserons les générations futures ? Qu’on a laissé une opportunité s’échapper de développer l’économie locale (c’est ce que pensent aujourd’hui les partisans du projet) ? Ou qu’on a bien fait de réfléchir à des alternatives moins dommageables d’un point de vue écologique ? Gageons que le référendum au niveau national et incluant fictivement les générations à venir aurait rejeté massivement feu l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Illustration bannière : Content pas content du verdict pour Notre-Dame-des-Landes ? © Tatyana Dzemileva
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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

7 commentaires Donnez votre avis
  1. Euh, je vous ai suivi jusqu’au dernier paragraphe. Se prononcer pour les générations futures qui ne peuvent s’exprimer est juste la porte ouverte à tous les dénis de démocratie : nous n’avons pas la majorité mais si les générations futures pouvaient s’exprimer alors nous l’aurions ! Imaginez cet argument dans la bouche d’un de vos adversaires (pour justifier par exemple des mesures libérales qui selon eux favorisaient l’emploi à long terme), et reconsidérez le…

    • Merci pour cette remarque importance. Toutefois, attention, je ne propose pas que le pouvoir interprète à sa guise ce que les générations futures pourraient vouloir. Je ne fais ici qu’émettre mon opinion. Vu que je ne fais que commenter de l’extérieur, sans pouvoir sur quoi quelque décision publique que ce soit, ça n’engage que moi et ne menace en rien la démocratie, donc mon paragraphe n’a pas besoin d’être revu. Je dirais par ailleurs qu’au contraire, le point de vue du long terme doit être mieux intégré dans notre travail politique et législatif en particulier. Le parlement finlandais a ainsi une « Commission du futur » qui regarde les projets ou propositions de loi du point du vue du long terme. Certains parlent d’une « Assemblée du futur » aussi en France (https://www.consoglobe.com/emmanuel-macron-chambre-du-futur-cg). Ces considérations sont selon moi tout à fait nécessaires et bienvenues. Il ne s’agirait pas de prétendre savoir ce que veulent les générations futures pour les faire voter comme je le fais rhétoriquement, mais s’interroger sur les enjeux au-delà de la prochaine échéance électorale. Essentiel n’est-ce pas ?

  2. Sage décision d’annuler ce projet pour mégalos. De plus lorsque l’on a suivi ce combat on s’aperçoit que les méthodes démocratique des adeptes de ce projet n’ont que rarement été respectées … juste pour exemple l’affaire du préfet Bernard Hagelsteen et l’affichage publicitaire lancé par bruno retailleu avec l’argent public pour ce projet d’aéroport …..

  3. Et pourtant est-il logique, pour tout le grand ouest , si l’on veut aller vers les amériques, de se rendre à Paris, de repasser par dessus Nantes.
    De plus en plus de gens partent en avion dans le monde entier, et Paris est complètement sur « booqué »

    • ah oui ce « grand » nombre de gens qui vont aux … states alors pour ces petites personnes l’on devrait bétonner une zone sur laquelle ces gens n’ont JAMAIS foutu les pieds et ainsi satisfaire leur besoin cyniques !
      Pauvre petite personne que vous êtes, il va vous falloir prendre conscience que la vie que vous menez, sans vous souciez une seule seconde de l’état de la planète qui vous permets d’être encore en vie, doit être revu dans sa globalité.

    • il peut apparaitre effectivement bizarre de repasser au dessus de Nantes ou très proche en venant des Etats-Unis et pour aller atterrir à Paris. Il est cela dit important de garder en tête que même avec NDDL, cette bizarerie serait restée identique. Regardez les autres aéroports français hors Paris, les principaux ne desservent pas les USA ou l’Amérique centrale ou du sud en direct. Seul Lyon ou Marseille permettent d’aller à Montréal en direct. Il n’y a pas assez de trafic pour établir ces liaisons de manière régulière.
      NDDL était venté pour renforcer les liaisons européennes, ce que peut faire Nantes Atlantique aujourd’hui si le trafic vers ces destinations est suffisant. Il n’y a qu’un vol par semaine pour Berlin par exemple, ou seulement vers Londres City et pas les autres aéroports. Si la demande vers ces capitales et autres était si importantes, je ne vois pas comment les compagnies aériennes auraient laissé ce potentiel de revenu inexploité si longtemps.

  4. Et bien entendu il vaut mieux moderniser et rentabiliser les lignes de chemin de fer existantes plutôt que de les supprimer, afin de se rendre plus facilement dans les aéroports.

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