La dissociation ou l’art d’anesthésier la sensibilité du consommateur

Lorsqu’on attaque des pilons grillés ou qu’on s’apprête à engloutir un burger, on ne pense quasiment jamais aux poulets ou aux vaches qui ont laissé leur vie pour rendre ce festin possible. Un lien est coupé et l’industrie agro-alimentaire fait tout pour que cette dissociation, ce déni de la réalité dure encore longtemps. Comment l’industrie de la viande nous fait-elle oublier l’animal derrière le plat ?

Rédigé par Sonia C, le 23 Apr 2017, à 13 h 45 min
La dissociation ou l’art d’anesthésier la sensibilité du consommateur
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Bien que la consommation de viande soit revue à la baisse ces dernières années, surtout en raison des campagnes de prévention concernant la santé humaine en matière de cancer et de maladies métaboliques, le marché carné reste bien-portant et sait s’adapter pour conserver sa clientèle.

La dissociation : un marketing pensé pour éviter de titiller notre bonne conscience

Malgré les multiples témoignages – certains difficilement soutenables – livrés par des associations de défense des animaux comme L214, rares sont les personnes qui, en choisissant leur steak haché, imaginent derrière cet aliment reconstitué la vache dont il est issu. De même pour les nuggets, les panés, les saucisses et autres préparations. Et même un poulet entier – tout de même dépourvu de tête – ne nous émeut pas réellement, tant nous sommes habitués à cette présentation.

dissociation, poulet

Mais qu’en serait-il si l’on nous proposait l’animal entier ? Si l’on nous confrontait à la possibilité de choisir nous-mêmes le morceau à découper ? Voire, si l’on nous montrait l’animal sur pied, encore vivant ? Peut-être aurions-nous naturellement tendance à nous tourner alors vers un substitut un peu moins… violent.

C’est pour éviter d’avoir à gérer ce genre de situation qui mettrait à rude épreuve notre potentiel affectif que les industries de l’agro-alimentaire exploitent à fond le filon de la dissociation – comprenez l’art de maquiller le produit pour le rendre le moins à même de nous rappeler de quel animal il provient. Et ça marche !

Des scientifiques, pour prouver le postulat de l’importance que revêt l’apparence des denrées en matière de choix et d’achat, ont présenté à des volontaires de la viande sous différentes formes : un cochon entier, par exemple, et un autre sans tête, ou encore une étiquette avec l’image d’un agneau et le même emballage sans photo, enfin, en remplaçant la banale dénomination « steak » par « vache » et « porc » par cochon ».

Dans ces trois expériences, les résultats sont sans appel : dès que l’on se rapproche plus ou moins consciemment de l’animal dans son individualité, notre empathie s’exacerbe et notre dégoût de consommer de la viande augmente, nous faisant nous tourner vers l’alternative végétale si elle se présente.

dissociation

« Je vais prendre un menu végétarien finalement » © Barry Barnes

Le carnivore-éthique : assumer ce que l’on mange à 100 %

C’est le défi que se sont lancées certaines personnes, dont Mark Zuckerberg qui a décidé de consommer uniquement la viande issue d’un animal qu’il a lui-même tué – afin de ne plus se couper de l’ensemble du processus qui, d’une bête vivante, conduit à un steak neutre n’évoquant strictement rien. Et ainsi, de bien prendre conscience de l’acte volontaire de manger de la viande.

Même si ce genre d’idée peut paraître extrême, au moins a-t-il l’avantage certain de mettre ceux qui l’expérimentent en face de leurs responsabilités… et de leur sensibilité.

Une alternative sage : limiter sa consommation de produits carnés

Pour tous ceux et celles qui ne peuvent se passer de viande, diminuer leur consommation au profit d’autres sources de protéines est déjà un geste éco-responsable. Dans la même optique, opter pour l’achat d’une viande de qualité, dont on connait l’origine, le mode d’élevage et d’abattage respectueux du bien-être animal autant que faire se peut, ne peut que jouer un rôle bénéfique en incitant les acteurs impliqués dans la filière de production à revoir leurs techniques pour qu’un jour, nous n’ayons plus à rougir devant le rayon boucherie – oups ! – le rayon « viande fraîche », c’est plus discret…

Illustration bannière ©  Evgeniy Agarkov
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Sonia C., passionnée de biologie et de nutrition, j’aime l’idée de rendre les sciences accessibles à tous sans pour autant en édulcorer les grands...

6 commentaires Donnez votre avis
  1. Pas d’inquiétude,Sonia,vos articles sont toujours au top! vous êtes géante!j’adore votre façon limpide de nous faire partager ces quantités de savoirs à chaque fois réinventés. Merci Sonia.

  2. Depuis la nuit des temps les animaux on étés élevés pour êtres consommés, alors arrêtez SVP de nous saouler avec vos inepties, le principal c’est de les élever correctement dans le respect de l’animal, de leur éviter la souffrance au cour de l’abattage et surtout d’abolir ce qui est halal.

    • depuis la nuit des temps, il y a des cons sur terre, des antropocentristes égoïstes qui refusent de remettre en question leurs comportements délétères. Dommage que les cannibales ne les aient pas tous exterminés !

    • A Nath vous faite partie aussi des cons et votre comportement n’est pas mieux,ne vous en déplaise

  3. Bonjour.
    Je suis absolument d’accord avec le fait que tuer les animaux doit être fait proprement et sans douleur.
    Mais ne pas en manger les condamne simplement à ne pas exister, ce qui à mon sens est pire.

    • vu qu’on ne vous bouffe pas, je me demande pourquoi vous existez !

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